Planter des arbres est souvent considéré comme une mesure-phare en faveur de la durabilité environnementale. Toutefois, il est désormais évident que la simple action de planter des arbres ne suffit pas.
Le choix des espèces à planter et leur emplacement jouent un rôle fondamental dans l'efficacité et les bienfaits écologiques de ces initiatives. La diversité des arbres, c'est-à-dire la variété et la répartition des espèces au sein d'une zone forestière, se révèle être un facteur crucial pour la croissance des écosystèmes, le maintien de la biodiversité et la construction d'une résilience face aux effets du changement climatique.
Dans cet article, nous explorerons quatre points cruciaux appuyés sur des études qui démontrent l'importance de privilégier la reforestation axée sur la biodiversité plutôt que de se limiter à la plantation d'une seule espèce d'arbre, appelée plantation monoculture.
🦋 Reforester avec biodiversité permet alors :
→ D’augmenter la capacité de séquestration de carbone
→ D’améliorer la fertilité du sol
→ D’accroitre la résilience de la forêt
→ De bénéficier aux populations locales
La capacité de séquestration du carbone dans l’atmosphère des forêts diversifiées est plus élevée
Selon les recommandations du GIEC, il est nécessaire d'extraire environ 730 milliards de tonnes de CO2 de l'atmosphère d'ici la fin du siècle afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les forêts jouent un rôle crucial dans le stockage du carbone, et une augmentation de 9% de la superficie forestière mondiale d'ici 2030 pourrait permettre de séquestrer un quart du carbone atmosphérique nécessaire.
Une étude intitulée "Restaurer les forêts naturelles est la meilleure façon de retirer le carbone atmosphérique" souligne l'importance cruciale de la restauration des forêts naturelles pour la séquestration du carbone et la lutte contre le changement climatique. Selon cette recherche, les efforts actuels visant à restaurer les terres dégradées à travers des plantations à grande échelle ne suffiront pas à atteindre les objectifs climatiques souhaités.
Les plans de restauration actuels privilégient principalement les plantations industrielles monoculturelles, c’est-à-dire avec une seule espèce d’arbre, qui se révèlent moins efficaces pour stocker le carbone par rapport aux forêts naturelles biodiversifiées. Ces plantations sont souvent soumises à des récoltes régulières, ce qui ne permet pas une séquestration du carbone optimale, pouvant au contraire générer une forêt émettrice de carbone.
L'étude publiée sur Nature indique que, en revanche, les terres naturellement régénérées peuvent séquestrer du carbone pendant des décennies, en plus d’être en quantités beaucoup plus élevées.
Une autre étude plus récente de l'Université de l’Alberta démontre également que la biodiversité peut accroître le stockage de carbone dans les sols des forêts naturelles. Elle montre que la diversité des arbres dans un écosystème forestier joue un rôle essentiel dans le cycle du carbone, c'est-à-dire l'équilibre créé par la séquestration de carbone par un écosystème et son retour dans l'atmosphère par la décomposition.
Selon le Professeur Chang du Department des Ressources Renouvelables, la diversité d’arbres dans une forêt est un terme utilisé pour décrire trois qualités spécifiques de l’environnement donné:
- La richesse en espèces, mesurée par le nombre d'arbres et d’espèces dans la zone
- La régularité, que Chang décrit comme la répartition égale des espèces
- Les différentes fonctions que chaque espèce d’arbre remplit dans une forêt
La restauration de forêts biodiversifiées est ainsi identifiée comme une solution plus efficace pour séquestrer le carbone atmosphérique, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales.
La fertilité du sol est améliorée lors d’une restauration de biodiversité forestière
Cette même étude publiée par Nature en avril dernier met en évidence l'importance capitale de la diversité des arbres pour préserver la fertilité des sols.
Selon Devon Earl, scientifique de l'environnement et spécialiste de la conservation à l'Alberta Wilderness Association, les différentes espèces d'arbres possèdent des caractéristiques physiques distinctes qui leur permettent de s'adapter à différentes situations. Cette diversité assure ainsi la résilience de la forêt, face notamment à des changements rapides de l'environnement tels que le changement climatique et les tempêtes en favorisant le stockage du carbone dans les sols des forêts naturelles. Cette adaptation est d'une importance cruciale pour les populations dépendant de ces écosystèmes.
Cette recherche, réalisée sur près de 20 ans et couvrant de nombreuses parcelles forestières à travers le pays, a permis de suivre les changements du carbone et de l'azote dans le sol au fil du temps. Les résultats montrent que l'augmentation de la diversité des espèces a entraîné une augmentation du carbone et de l'azote du sol de l'ordre de 30 % et 42 % respectivement. De même, une augmentation de la diversité fonctionnelle, qui englobe la variété des caractéristiques physiques au sein de la forêt, a augmenté la quantité de carbone et d'azote dans le sol de l'ordre de 32 % et 50 % respectivement.
Xinli Chen, étudiant postdoctoral et auteur principal de l'étude, explique que les arbres plus diversifiés ont souvent une plus grande production de biomasse, grâce à des facteurs tels que la profondeur des racines et la hauteur de la canopée, qui jouent un rôle dans la croissance et le développement des forêts.
Une résilience de la forêt accrue grâce à la diversité des espèces
Une étude publiée en août 2018 portant sur 40 sites forestiers analysés entre 1982 et 2016, a révélé que les forêts composées d'espèces diverses d'arbres sont plus résistantes à la sécheresse, plus résistantes aux tempêtes et contribuent à réduire le risque de dommages à grande échelle. En favorisant la restauration naturelle d'écosystèmes biodiversifiés, on accroît la survie des arbres et la réussite du projet de reforestation.
Chaque espèce joue un rôle unique dans l'écosystème, et la perte d'une seule peut avoir des répercussions sur l'ensemble de l'écosystème. Un manque d’espèces d’arbres entraînant la fragilité de la biodiversité, rendant l'écosystème plus vulnérable aux maladies, aux espèces invasives et aux catastrophes naturelles. Car, si une espèce est touchée, d'autres espèces ne seront pas présentes pour agir comme tampon protecteur.
Les bénéfices sociaux de la restauration de forêts diversifiées
Dans un communiqué de presse conjoint, le Mouvement mondial pour les forêts tropicales, les Amis de la Terre International et la Coalition mondiale des forêts mettent en lumière les avantages environnementaux et sociaux considérables résultants de la restauration de forêts diversifiées.
En restaurant des forêts avec une biodiversité riche, les communautés locales disposent d’une amélioration significative de leurs sources d'eau grâce au rétablissement du cycle hydrologique naturel et une réduction de la pollution de l'air et de l'eau.
Une des règles les plus importantes lors de la reforestation est le travail en partenariat direct avec les populations locales, afin de prendre en compte les besoins spécifiques de ces communautés. Les forêts sont une source de subsistance et de souveraineté alimentaire pour leurs habitants et ceux des terres avoisinantes. Il est important de préserver leurs modes de vie traditionnels et durables, tout en préservent la diversité culturelle et encouragent l'épanouissement de la vie en communauté sans recours à la violence généralisée. La gestion forestière communautaire, par exemple, permet de créer des opportunités d'emploi locales et de favoriser le développement économique à petite échelle.