Succession forestière: pourquoi reforestation et régénération naturelle sont complémentaires

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Lucas Martin Frey
30 juin 2023

La question de la restauration des écosystèmes forestiers suscite un débat quant aux approches les plus efficaces. Si certains soutiennent l'idée de laisser la forêt se régénérer naturellement, cette régénération naturelle peut s'avérer insuffisamment rapide face à l'urgence climatique.

C’est pourquoi, chez MORFO, nous pensons qu’opposer régénération naturelle et reforestation est une erreur. Dans cet article, nous vous présentons les principaux arguments pour l’utilisation conjointe de ces deux méthodes, selon le niveau de développement de la forêt.

🦋 Pourquoi restauration naturelle et reforestation sont complémentaires en 3 points :

Le concept de succession écologique :

La succession écologique décrit comment l’écosystème forestier passe progressivement d'une étape à une autre, suite à des perturbations, qu’elles soient naturelles ou dues à l’activité humaine. Or, pour obtenir les meilleurs résultats, restauration naturelle et reforestation doivent se succéder.

L’inspiration de la méthode Miyawaki :

Suivant un processus de régénération naturelle, la méthode Miyawaki est une méthode de restauration de forêts rapide, applicables partout, entrainant une forêt dense où poussent des espèces locales. Or, beaucoup d’acteurs de la reforestation, dont MORFO, se basent sur cette méthode pour reforester des forêts.

Les avantages propres à la reforestation :

Si les projets de reforestation s’inspirent d’une méthode naturelle, elles n’en sont pas des copies conformes, puisqu’elles apportent d’autres avantages.

La succession écologique des forêts : comprendre les différentes étapes de croissance d’une forêt

La succession écologique au sein des forêts est un processus de croissance et de développement qui se produit au fil du temps dans un écosystème donné. Elle décrit comment l’écosystème passe progressivement d'une étape à une autre, suite à des perturbations, qu’elles soient naturelles ou dues à l’activité humaine, comme par exemple le feu, l’activité humaine, les inondations ou encore les catastrophes radioactives. La succession écologique est un processus complexe et dynamique influencé par des facteurs tels que le climat, les conditions du sol, la disponibilité des graines et les interactions entre différentes espèces végétales et animales.

Il existe deux principaux types de succession écologique au sein d’une forêt :

  • La succession primaire

La succession primaire se produit dans des zones où il n'y a ni sol ni matière organique, par exemple après une éruption volcanique ou un recul glaciaire. Le processus commence avec la colonisation d'espèces pionnières et pionnières ligneuses, telles que les lichens et les mousses, qui peuvent pousser sur des rochers nus. Au fil du temps, ces organismes décomposent la roche et contribuent à la formation du sol. À mesure que le sol se développe, des plantes herbacées et des arbustes commencent à s'établir. Finalement, de grands arbres, tels que des conifères ou des feuillus, dominent la région.

  • La succession secondaire

La succession secondaire se produit dans des zones où le sol et la matière organique existent déjà, comme après un incendie de forêt ou l'exploitation forestière humaine. Dans ce cas, le processus débute par la croissance d'espèces de succession précoce, qui sont généralement des plantes à croissance rapide et de courte durée de vie. Ces espèces aident à stabiliser le sol et créent des conditions favorables à l'établissement d'autres espèces végétales. Au fil du temps, la forêt subit une série de changements alors que différentes espèces se succèdent. A la fin de ce processus, la forêt atteint un stade mature, appelé climax, qui est constitué de végétation climacique, où un écosystème relativement stable et diversifié s'établit.

Le saviez vous?

Il est impossible de revenir à l'état initial de la forêt. Nous ne pouvons que faciliter et accélérer le processus de régénération naturelle.

Le graphique ci-dessous montre les six étapes de la succession forestière, qu’elle soit primaire ou secondaire:

Les six étapes de la succession forestière. A) Les six étapes : (1) Sol nu, (2) Herbes et mousses, (3) Herbacés vivaces, (4) Espèces pionnières, (5) Espèces d'arbres à croissance rapide, (6) Forêt mature, dite climax. L’évolution successive de chaque étape. B) Les différentes perturbations qui peuvent mener à la destruction d’une forêt. C) L’accroissement de la couche de biomasse au dessus du sol au fil du temps.
Source : Modified from Lucas Martin Frey 2011 (Creative Commons Attribution 3.0.)

3 étapes lors desquelles la reforestation est nécessaire pour accélérer le processus de régénération

Sur les 6 étapes de croissance d’une forêt, la reforestation n’est souvent utilisée que sur trois étapes, dans un objectif d’accélération de la croissance. Chez MORFO, par exemple, nos interventions se concentrent sur les trois étapes suivantes :

Étape 3 : Les herbacés vivaces

Cette étape constitue la croissance d’une diversité d’herbes telles que des graminées et des légumineuses. Grâce à ces plantes à croissance rapide, la vie et les espèces animales commencent à réapparaître, entament la reconstitution de l’écosystème. L'amélioration des conditions du sol et de l'environnement fait partie de la préparation avant la plantation.

Étape 4 : Les espèces pionnières

Dans cette étape, nous contribuons à l'établissement des espèces pionnières d'arbres. Cela peut impliquer la plantation sélective d'arbres pionniers. Cette étape est cruciale afin de lancer la base de la forêt, puisqu'elle joue le rôle la fixation de celle-ci.

Étape 5 : Les espèces d'arbres à croissance rapide

Dans cette dernière étape dans laquelle nous agissons, nous plantons activement des espèces pionnières et des espèces d’arbres à croissance rapide pour accélérer la couverture végétale, tout en jouant sur la densité des ratios selon l’avancement du stade de développement de la forêt.

Les six étapes de la succession forestière. Encadrés sont les étapes accompagnées par MORFO dans nos restaurations d’écosystèmes forestiers.
Source : Modified from Lucas Martin Frey 2011 (Creative Commons Attribution 3.0.)

En restaurant la végétation durant les étapes 3, 4 et 5, nous accélérons considérablement le processus de régénération de la forêt. En favorisant la croissance des herbacées vivaces, des espèces pionnières et des espèces d'arbres à croissance rapide, nous créons un environnement propice à l'établissement de la prochaine et dernière étape de la succession forestière, l'étape 6. En laissant la succession forestière suivre son cours naturel après avoir favorisé les étapes précédentes, la forêt peut évoluer pour être plus résiliente.

Le saviez vous?

L’écosystème apprend des perturbations passées et développe des mécanismes de résistance et de régénération qui la rende plus forte face aux futures catastrophes naturelles ou perturbations anthropiques.

Comprendre la succession écologique des forêts est essentiel pour leur gestion et leur conservation, car elle nous donne des informations sur la régénération naturelle des forêts et les espèces qui sont susceptibles de se produire à différentes étapes. Maintenant, nous vous invitons à comprendre la méthode de restauration naturelle la plus utilisée : la méthode Miyawaki.

La méthode Miyawaki : une célèbre méthode de restauration naturelle

La méthode Miyawaki, développée par le botaniste japonais Akira Miyawaki, est une méthode de restauration naturelle des forêts qui se distingue par sa rapidité de croissance et sa capacité à restaurer des écosystèmes forestiers riches en biodiversité. La méthode Miyawaki a été largement utilisée dans de nombreux pays pour restaurer des écosystèmes forestiers dégradés, créer des ceintures vertes urbaines et lutter contre la déforestation.

Les principales caractéristiques des forêts Miyawaki sont :

  • Une végétation naturelle et l’utilisation d’espèces natives. Cette méthode est basée sur l'identification de la végétation qui serait naturellement présente dans un environnement sans intervention humaine. En observant les écosystèmes des forêts primaires similaires, les essences adaptées à la région sont sélectionnées. Seules des espèces végétales natives sont utilisées lors de la plantation.
  • Une biodiversité riche. Ces forêts sont composées de 20 à 30 espèces différentes dont 70% sont des arbres de taille moyenne à grande.
  • Une densité élevée de plantation. Les arbres sont plantés très près les uns des autres (3 arbres /m2), formant une forêt dense.
  • Une croissance rapide. Etant donné que les arbres sont plantés de manière dense, ils entrent rapidement en concurrence pour la lumière, ce qui accélère leur vitesse de croissance. C’est ce qu’on appelle la compétition vertueuse. Mais attention : la competition vertueuse peut être à l’origine d’une perte de biodiversité, car elle peut ne bénéficier qu’à certaines plantes. Sur ce point, les exemples théoriques sont nombreux, la pratique parfois plus complexe.
  • Une préparation du sol nécessaire. Avant la plantation, le sol est préparé de manière à recréer les conditions optimales pour la croissance des arbres. Cette préparation peut inclure des mesures telles que l'amendement du sol, la suppression des mauvaises herbes et l'ajout de matière organique.
  • Une grande résilience. Ces forêts ont une capacité à se réguler et à conserver leur équilibre fonctionnel en dépit des contraintes extérieures. Leur densité offre une capacité de captation d’eau supérieure, leur microclimat étant naturellement humide et évite l’évaporation de l’eau présente au sol.
  • Une forêt mature en 20 ans. Sur un terrain en friche, en climat tempéré, si on laisse faire la nature, il faut compter environ 200 ans avant que la végétation n’évolue en une forêt mature. En sélectionnant des espèces dites “climaciques” présentes au stade climax, ces forêts sont matures en 20 ans seulement.
  • Une méthode applicable sur tout type de sols, dans tout type de climat. La méthode Miyawaki peut régénérer des sols pauvres ou laissés en friche, améliorant leurs composition physico-chimique.

La méthode Miyawaki est donc une méthode qui offre beaucoup d’avantages. Nous allons maintenant vous expliquer pourquoi la reforestation s’appuie sur cette méthode naturelle, en particulier dans le cas de notre entreprise MORFO.

En quoi les restaurations d’écosystèmes forestiers de MORFO sont-elles similaires à la méthode Miyawaki ?

Opposer régénération naturelle et reforestation est donc doublement une erreur. On l’a vu, ces méthodes sont complémentaires puisqu’elles peuvent être utilisées à différentes étapes dans le processus de reforestation. Mais ce n’est pas tout, puisque la reforestation s’appuie aussi sur les connaissances en matière de restauration naturelle. Et cela à plusieurs niveaux :

  • Une accélération de la régénération naturelle. Tout comme la méthode Miyawaki, MORFO met l'accent sur la régénération naturelle des forêts. La reconstitution naturelle des écosystèmes forestiers permet la croissance d’une flore locale, adaptée et résistante. MORFO cible en particulier les zones peu à très dégradées, ou à proximité de forêts existantes, qui peuvent servir de sources de graines importantes.
  • L’utilisation de techniques de plantation efficaces. MORFO utilise des drones pour planter des capsules contenant des graines d'arbres sélectionnées. Cette méthode permet une reforestation rapide et à grande échelle, tout en étant moins coûteuse que la plantation de jeunes arbres et ayant un taux de réussite plus élevé.
  • Une sélection d'espèces pour maximiser la biodiversité. Promouvoir la diversité des espèces végétales dans nos projets de restauration est une de nos priorités. Nos avons un catalogue évolutif de 180 espèces que nous sélectionnons selon les projets de reforestation, et plantons au moins 20 espèces locales dans chaque projet.

Néanmoins, bien que la méthodes MORFO et Miyawaki soient similaires sur l’approche basée sur la nature, c’est à dire mimer et booster la dynamique de régénération de la forêt, ces deux méthodes ne sont pas identiques, et des recherches en laboratoire permettent d’accroître les taux de réussite des projets de reforestation. Chez MORFO, par exemple, nous réalisons des tests approfondis pour déterminer les combinaisons de densité et d'espèces les plus efficaces et favoriser une récupération rapide et durable des écosystèmes. Ainsi, contrairement à ce que la méthode Miyawaki préconise, des tests expérimentaux ou terrain ont monté qu’une densité élevée d’arbres à croissance rapide peut offrir certains avantages, tels qu'une croissance rapide et une capture accrue du carbone, mais qu’elle peut également avoir des conséquences néfastes sur la diversité, causée par une compétition pour la lumière. Des exemples réels dans nos projets montrent que la compétition vertueuse ne profite parfois qu’à certaines plantes, diminuant la diversité végétale.

Est-ce que MORFO envisage de réaliser de la restauration d’autres étapes de la succession forestière ?

Bien que MORFO se concentre principalement sur les étapes clés de la succession forestière, il est possible que des interventions dans les autres étapes soient envisagées dans le cadre d'un enrichissement ou d'une restauration spécifique pour promouvoir la biodiversité et le développement d'une forêt mature.

En effet, les autres étapes de la succession forestière, telles que l'étape 1 (sol nu), l'étape 2 (herbes et mousses) et l'étape 6 (espèces climax), peuvent également nécessiter des actions de gestion ou de restauration.

Cependant, il convient de noter que notre approche met davantage l'accent sur la régénération naturelle assistée et la promotion des processus de succession forestière plutôt que sur une plantation intensive d'espèces spécifiques. MORFO favorise ainsi le développement de la biodiversité et des écosystèmes forestiers en laissant les espèces arriver naturellement grâce à la succession forestière.

Nous envisagerions de réaliser des interventions notamment au moment de l’étape 6 de la succession forestière que dans le cadre d'un processus d'enrichissement de la biodiversité ou d'une restauration spécifique pour favoriser l'établissement des espèces climax notamment. Un diagnostic des espèces déjà présentes et la mise en œuvre de mesures ciblées pour enrichir l'écosystème forestier seraient alors nécessaires.

Dans tous les cas, la restauration d’écosystèmes forestiers ne nécessite pas seulement de la recherche et une plantation. Une part importante de nos projets est concentrée sur le suivi de la forêt afin de s’assurer de son bon développement, de prévoir une ou plusieurs autres plantations si sa croissance n’est pas optimale, et de développer nos connaissances et notre science en s’appuyant sur les résultats de nos projets passés. Ce type de monitoring qui est absent de la méthode Miyawaki.

Lorie Francheteau
Rédactrice en Chef et Manager de Contenu
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