"Notre cadre améliorera les projets de restauration et les intégrera dans les efforts mondiaux pour la biodiversité"

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MORFO
Octobre 2023

Arthur Pivin, Co-Lead de la Biodiversité chez Carbone 4, discute de l'importance de la biodiversité et de l'approche innovante de l'entreprise dans une interview pour le livre blanc de MORFO sur L'avenir des crédits carbone pour la reforestation. Expliquant pourquoi le terme "certificats" est préférable à "crédits", il met l'accent sur la nécessité d'un cadre méthodologique pour les certificats de biodiversité. Pivin aborde les défis liés à l'évaluation des gains en biodiversité et offre des conseils précieux aux entreprises souhaitant investir dans des crédits liés à la reforestation, les encourageant à élargir leur focus environnemental au-delà du carbone et à reconnaître les contributions holistiques de la biodiversité à la durabilité et à la résilience.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Arthur Pivin, et je travaille chez Carbone 4 depuis trois ans. J'ai rejoint initialement l'entreprise pour travailler sur les questions liées au "carbone vivant", mais je me suis rapidement impliqué dans le développement de notre pratique de la biodiversité. Avant cela, j'ai passé quatre ans chez Pur Projet, où je passais une grande partie de mon temps sur le terrain, ce qui m'a offert une perspective pratique sur la biodiversité.

Pouvez-vous donner un aperçu de Carbone 4 ?

Carbone 4 est un cabinet de conseil indépendant initialement axé sur le changement climatique. Depuis deux ou trois ans, nous avons élargi notre champ d'action pour aborder des questions mondiales liées aux limites planétaires, notamment la biodiversité. Notre rôle principal est de combler le fossé entre la recherche scientifique et le monde de l'entreprise. Nous travaillons en étroite collaboration avec la communauté scientifique et proposons des solutions basées sur nos méthodologies internes, que nous partageons fièrement en open source.

Pourquoi la pratique de la biodiversité a-t-elle été créée chez Carbone 4 ?

Historiquement, l'accent de Carbone 4 était principalement mis sur le soutien à la transition vers une économie faible en carbone. Cependant, il est devenu évident que la lutte contre la perte de biodiversité était tout aussi cruciale. La communauté scientifique a généré une richesse de recherches dans ce domaine, et les entreprises doivent prendre des mesures significatives. Notre mission consiste à appliquer notre approche bien établie, développée pour le climat, au domaine de la biodiversité tout en restant ancrée dans la science et en proposant des solutions pratiques.

En tant que "Co-Lead de la Biodiversité" chez Carbone 4, quel est votre rôle et quelle est votre mission ?

Mon rôle de Co-Lead de la Biodiversité comporte plusieurs aspects, notamment le développement de notre expertise, la vente et la gestion de projets, ainsi que le développement de méthodologies. Cette mission a émergé à l'été 2021 dans le but d'intégrer la biodiversité dans notre gamme de services. Elle s'aligne sur notre engagement à aider les entreprises à passer à un avenir faible en carbone tout en reconnaissant le rôle crucial de la biodiversité dans cette transition.

L'un de nos premiers engagements dans ce domaine a été centré sur les crédits de biodiversité. Nous avons collaboré avec le Muséum national d'histoire naturelle pour développer des méthodologies d'évaluation des gains en biodiversité dans les projets sur le terrain, et ce concept s'est depuis étendu à des considérations plus larges.

En décembre 2022, vous avez publié une proposition de cadre méthodologique pour les certificats de biodiversité. Pourquoi utiliser le terme "certificats" au lieu de "crédits" ?

Il y a deux problèmes principaux avec l'utilisation du terme "crédit". Tout d'abord, il est principalement associé au marché du carbone, que nous considérons comme défectueux. Chez Carbone 4, nous croyons que le concept de "neutralité carbone" ne peut pas être défini de manière précise pour une entreprise (comme indiqué dans notre Initiative Net Zéro). Au lieu de cela, les entreprises devraient se concentrer sur la contribution à la neutralité mondiale. Cela implique de réduire les émissions conformément aux trajectoires mondiales de réduction du carbone et de contribuer à la réduction des émissions et/ou à la séquestration, sans considérer ces contributions comme un moyen de "compenser" ou "annuler" les émissions. Ces aspects doivent être séparés et rapportés distinctement, contrairement au mécanisme des crédits carbone, qui repose sur la compensation. Il est important de noter que ces problèmes s'étendent également à la compensation de la biodiversité.

De plus, la biodiversité présente des défis supplémentaires. Tout d'abord, la biodiversité est inhéremment une question locale. Le processus de restauration d'un hectare de terre en Amazonie, dans l'Himalaya ou en France diffère considérablement en raison des contextes écologiques uniques. De plus, il n'existe pas d'unité universellement établie pour évaluer la biodiversité, contrairement à la métrique normalisée du tCO2 pour le carbone.

Dans l'ensemble, cela rend la compensation de la biodiversité encore plus complexe que la compensation carbone. Nous pensons qu'il est raisonnable de développer des outils pour financer des projets de restauration et de conservation, ce qui peut inclure la création d'un actif financier représentant des gains de biodiversité certifiés, appelé certificat de biodiversité. Cependant, nous sommes fermement opposés à l'utilisation de ces actifs à des fins de compensation. Le rapport sur les impacts de la biodiversité doit être séparé du rapport sur les impacts négatifs sur la biodiversité. Le terme "crédits" implique l'existence d'un "débit" et est associé à des schémas de compensation. C'est pourquoi nous préférons utiliser le terme "certificats".

Quelle était la motivation derrière la proposition de ce cadre ?

Notre motivation repose sur la conviction que ce cadre est essentiel et continuera à gagner en importance. Il est important de noter que notre intention n'est pas de critiquer les projets existants ou les efforts de restauration, mais plutôt de renforcer leur efficacité, et de veiller à ce qu'ils soient intégrés dans des approches mondiales de la biodiversité qui soient robustes et contribuent efficacement à la lutte contre la crise de la biodiversité.

Notre objectif est de créer une méthodologie pluri-universelle, c'est-à-dire qu'elle peut s'adapter à divers contextes. Nous visons également à la rendre aussi simple que possible à mettre en œuvre, afin de limiter les coûts de certification et de surveillance, tout en étant suffisamment robuste pour garantir la solidité du mécanisme.

L'un des engagements clés du cadre est de recommander d'exclure la possibilité de compenser la biodiversité. Pouvez-vous expliquer la raison derrière cela ?

Notre cadre exclut la compensation, sauf dans un cas très spécifique, lorsque les projets sont mis en œuvre au sein de la chaîne d'approvisionnement. Par exemple, si une entreprise de café investit dans l'agroforesterie pour redonner de la vie à ses parcelles et réalise effectivement des gains en biodiversité, alors il s'agit d'une réduction d'impact appropriée, et les gains en biodiversité peuvent être déduits des impacts initiaux. Cependant, il est essentiel de comprendre que cela s'applique uniquement lorsque les efforts de restauration font partie intégrante de la chaîne de valeur de l'entreprise et utilisent les bonnes mesures pour évaluer leur impact. Si les activités sont en dehors de la chaîne de valeur, elles doivent être considérées comme des contributions à un effort mondial, distinguées des impacts négatifs.

Comment ce cadre a-t-il été accueilli et comment a-t-il évolué depuis son lancement ?

En général, nous avons reçu des retours positifs chaque fois que nous avons eu l'occasion de présenter notre cadre. Bien sûr, la validité de la méthode reste à prouver sur un cas concret - ce qui sera l'objet du projet pilote qui commencera cet automne - mais nous avons reçu plusieurs retours confirmant que l'approche est pertinente et prometteuse.

Comment évalue-t-on les gains en biodiversité lorsque la nature est souvent considérée comme trop complexe à mesurer ?

L'évaluation des gains en biodiversité est en effet une tâche complexe en raison de la complexité inhérente de la nature elle-même. Notre approche implique, pour une catégorie spécifique d'écosystèmes, de réunir des experts du terrain pour définir une taxonomie des pratiques de biodiversité. Ensuite, nous engageons des experts scientifiques pour établir un consensus sur la valeur de la biodiversité associée à un changement particulier dans les pratiques. Le résultat est un cadre d'évaluation qui permet d'évaluer les gains en biodiversité liés à une transition spécifique.

Quels conseils finaux offririez-vous aux entreprises cherchant à acheter des crédits liés à la reforestation ?

Je conseillerais vivement aux entreprises d'élargir leur champ d'application au-delà du carbone et de considérer les aspects plus larges de la biodiversité. Il est essentiel d'adopter une approche holistique des initiatives environnementales et de prendre en compte les contributions inestimables que la biodiversité peut apporter à la durabilité et à la résilience.

Lorie Francheteau
Rédactrice en Chef et Manager de Contenu
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