Les crédits carbone jouent un rôle vital dans le financement de la transition vers une société à faibles émissions de carbone et peuvent considérablement accélérer les efforts de décarbonisation des entreprises qui les achètent. En septembre 2023, Grégoire Guirauden, co-fondateur de Riverse, a été interviewé pour le livre blanc de MORFO sur L'avenir des crédits carbone pour la reforestation. Lorsqu'il évoque l'état des marchés du carbone et l'importance de la transparence, il insiste sur la nécessité de changer la perception des marchés du carbone, mettant en avant le rôle critique qu'ils jouent dans le financement de projets impactants. Tout en mettant en avant les "crédits de haute qualité" et les "certificats d'impact positif", Guirauden plaide en faveur d'une approche plus simple pour garantir que davantage de financements atteignent des projets visant à lutter contre le changement climatique grâce à la transparence.
Pouvez-vous vous présenter ?
Diplômé de HEC, j'ai travaillé pendant 5 ans dans la transformation numérique de grandes entreprises. En 2021, j'ai décidé de co-fonder Riverse pour accélérer la transition environnementale, qui est cruciale pour parvenir à une société durable.
Qu'est-ce que Riverse ?
Riverse est une norme de certification de crédits carbone pour les entreprises européennes spécialisées dans les technologies vertes. Nous permettons aux projets d'économie circulaire et de décarbonisation de développer et de mettre à l'échelle leurs activités en monétisant leur impact.
Il y a quelques semaines, lors d'une interview à la télévision, un journaliste a commencé par vous demander : "Le marché du carbone est-il une fraude ?" Quels sont vos avis sur cette question ?
C'est un exemple typique de la mentalité contre-productive qui entoure désormais les marchés du carbone. Les marchés du carbone sont avant tout un moyen de financer des projets impactants en fonction de leur impact. S'il y a eu des abus dans le passé, nous devons insister sur tous les excellents projets qui sont financés grâce à ce mécanisme.
De nos jours, ce mécanisme est très strictement réglementé et il est presque impossible de frauder. De plus, tous les projets impactants ont besoin d'argent pour se développer, et tout le monde convient que le manque de financement est le principal problème pour lutter contre le changement climatique.
Par conséquent, il est nécessaire de changer dès que possible l'image de ce mécanisme pour qu'il puisse être utilisé à son plein potentiel.
De nombreux acteurs estiment que tant les acheteurs que les vendeurs ont des raisons de manquer de transparence dans les projets carbone. Pensez-vous que cela est exact, et le cas échéant, comment pouvons-nous aborder ce problème ?
En remettant toujours en question la transparence des crédits carbone, nous ajoutons simplement de plus en plus de couches qui rendent le marché des crédits carbone encore plus complexe, lourd, et finalement, il y a moins d'argent qui va au projet lui-même, par rapport à tous les mécanismes mis en place pour apporter cette transparence supposée.
Il y a seulement deux conditions principales pour un mécanisme équitable et utile :
- Financer uniquement les projets qui sont vraiment utiles pour lutter contre le changement climatique, qui ont besoin d'argent, et qui peuvent être mesurés et vérifiés de manière pertinente.
- Les acheteurs doivent communiquer judicieusement sur leur achat de crédits carbone, afin de ne pas induire les consommateurs en erreur sur l'impact réel de leur activité.
Donc, pour aborder ce problème de transparence, je sais que cela peut sembler étrange, mais nous devons simplifier au maximum le mécanisme et accepter qu'il y a toujours une part d'incertitude et certaines façons d'interpréter l'information. Comme dans tout processus de mesure, de vérification ou de comptabilité, il y a des biais, mais la priorité maintenant est de financer massivement la transition.
Il y a quelques mois, vous avez rédigé un guide intitulé "10 idées fausses sur les crédits carbone". Dans ce guide, vous avez expliqué pourquoi les crédits carbone sont essentiels pour financer la transition vers une société à faibles émissions de carbone. Pourriez-vous développer ce point ?
Nous devons multiplier par 6 les investissements dans les solutions de décarbonation pour atteindre l'Accord de Paris. Multiplier par 6 ! Tout mécanisme de financement de ces projets doit être déployé.
De plus, au niveau français :
- Il nous manque 20 à 40 milliards d'euros par an pour respecter l'Accord de Paris.
- Moins de 0,1 % de l'empreinte carbone française est effectivement compensé pour financer des projets de décarbonation.
- Si toute l'empreinte carbone française était compensée pour financer des projets de décarbonation locaux, avec un prix compris entre 25 et 50 € par tonne, nous pourrions presque combler ce manque de financement !
Les entreprises qui achètent des crédits carbone ont-elles tendance à se décarboniser plus rapidement que celles qui n'en achètent pas ?
Oui, car elles le font volontairement. Cela signifie que ces entreprises sont en réalité les plus avancées sur le chemin de la durabilité. De plus, il est désormais obligatoire en France d'avoir défini une trajectoire de 1,5 °C et d'avoir réduit votre impact si vous souhaitez faire des réclamations en matière de crédits carbone. Par conséquent, les entreprises qui achètent des crédits carbone devraient être applaudies, et non regardées avec suspicion comme des adeptes potentiels du greenwashing.
Un nombre croissant de personnes plaident en faveur du développement de "crédits de haute qualité", de "crédits nature" ou de "certificats d'impact positif". Quels sont vos avis sur cette tendance émergente ?
Tout le monde le dit, mais le prix moyen d'achat des crédits carbone sur la ligne mondiale est inférieur à 5 $ par tonne de CO2. Pour le moment, c'est à 99 % de la pensée positive.