"La reforestation est une solution sous-financée pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat"

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MORFO
Juin 2023

Des organisations comme Ecosystem Restoration Standard sont à l'avant-garde d'un mouvement mondial visant à lutter contre le changement climatique, à promouvoir la biodiversité et à améliorer les moyens de subsistance grâce à des projets de restauration des écosystèmes basés sur la nature. Dans le cadre d'une interview exclusive pour le livre blanc de MORFO sur L'avenir des crédits carbone pour la reforestation, Thibault Sorret, co-fondateur et PDG de Ecosystem Restoration Standard, partage des informations sur l'approche de certification de l'entreprise, l'importance des consultations publiques dans la définition de leur norme, et le rôle des crédits carbone pour la reforestation dans un paysage de l'action climatique en évolution rapide.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m'appelle Thibault Sorret. Je suis co-fondateur et PDG de Ecosystem Restoration Standard.

Qu'est-ce que Ecosystem Restoration Standard ?

Ecosystem Restoration Standard (ERS) est une nouvelle certification pour les projets de restauration basés sur la nature sur les marchés volontaires du carbone. Elle vise à renforcer les efforts de restauration qui luttent contre le changement climatique, favorisent la biodiversité et améliorent les moyens de subsistance.

En intégrant la surveillance, la déclaration et la vérification numériques de nouvelle génération (dMRV) dans la norme, nous pouvons suivre en continu les progrès par rapport à plusieurs lignes de base, offrant une plus grande traçabilité et transparence aux développeurs de projets et aux acheteurs.

Comment participez-vous aux projets carbone liés à la reforestation ? Quel est le rôle de l'ERS ?

Les normes carbone sont essentielles au fonctionnement du marché volontaire du carbone (VCM). Les organisations de normes carbone établissent et administrent les règles et les exigences des projets et des programmes du VCM, certifient et délivrent des crédits carbone.

En tant que norme carbone, notre rôle consiste à définir les règles, les procédures et les méthodologies selon lesquelles les crédits carbone certifiés sont générés et émis.

Pourquoi avez-vous choisi de passer par un processus de consultation publique pour créer votre norme ? Y avait-il d'autres moyens de le faire ?

Les consultations publiques sont une caractéristique des processus d'établissement de normes. Pour établir une norme crédible, il est nécessaire de prendre en compte un large éventail de contributions des parties prenantes. En impliquant les acteurs clés et le grand public dans le processus de consultation, la norme a plus de chances d'être largement adoptée et d'avoir un impact positif sur les initiatives de restauration des écosystèmes et les projets qu'elle vise à soutenir.

Quelles ont été les confirmations de cette consultation publique ?

Il semble que le marché accueille favorablement la participation active de ERS à la surveillance, à la déclaration et à la vérification (MRV) des projets sur une base régulière. Pour occuper ce rôle, nous avons dû repenser complètement le modèle économique d'un organisme de normalisation sur les marchés du carbone. C'était une décision risquée, car elle diffère tellement de la norme, mais les retours ont été extrêmement positifs.

Traditionnellement, les normes carbone facturent par émission (c'est-à-dire par tonne). Leur implication active dans le MRV est entravée car elles ont un intérêt direct dans l'émission de crédits. En passant à une tarification annuelle par hectare, nous avons aligné notre intérêt sur la surveillance continue des projets certifiés.

Quelles ont été les surprises qui en ont émergé ?

Nous pensions que le marché accueillerait favorablement les tentatives de surveiller directement la biodiversité, même de manière imparfaite. À notre grande surprise, de nombreux participants du marché préféraient que nous utilisions des proxies, tels que la capacité d'habitat, plutôt que de tenter des mesures directes imparfaites.

À la suite de la consultation, nous avons réexaminé nos outils et protocoles d'évaluation des écosystèmes et de surveillance de la biodiversité pour mieux correspondre à ces attentes du marché.

Pourquoi une entreprise devrait-elle investir dans des crédits carbone liés à la reforestation plutôt que dans d'autres types de crédits carbone ?

Tout d'abord, de plus en plus d'entreprises doivent prendre des mesures en matière de climat, point final. Nous sommes de grands partisans du mantra "tout, partout, tout à la fois".

Selon le GIEC, il faut retirer chaque année 2 à 6 GtCO2e d'ici 2050 pour respecter les objectifs de l'accord de Paris.

Avec 2 milliards d'hectares de terres dégradées, dont plus de 900 millions peuvent être reforestés sans concurrencer l'agriculture, nous pensons que la reforestation est une solution largement sous-utilisée et sous-financée pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat.

Cela étant dit, aujourd'hui, la plupart des ressources du VCM ont historiquement été liées à des crédits de type "évitement". Seuls 3 % des crédits éliminent du carbone de l'atmosphère, et presque tous proviennent de projets ARR.

En tant que norme, nous nous concentrons sur les projets ARR (en particulier les projets de restauration des écosystèmes qui ont un impact positif sur la biodiversité et les communautés locales) car nous pensons qu'il existe un important déficit d'offre qui doit être comblé.

Quelle est votre vision de la situation actuelle des crédits carbone de reforestation ?

Sur les 334 projets ARR qui délivrent actuellement des crédits sur les 5 principales registres, nombreux reposent sur la culture intensive d'espèces non indigènes, souvent plantées en monocultures. Ces forêts séquestrent du carbone, mais pas plus.

Nous pensons qu'il faut mettre davantage d'efforts dans la conception de projets ayant un impact positif sur la récupération des écosystèmes, le carbone, la biodiversité et les moyens de subsistance locaux. En concevant une norme qui évalue et surveille l'impact sur quatre piliers, nous pensons que nous pouvons contribuer à orienter l'offre dans une direction plus holistique.

Avez-vous des recommandations ou des conseils pour une entreprise souhaitant investir dans des crédits carbone de reforestation ?

Si possible, investissez directement dans un projet. Apprenez à connaître le développeur du projet. Effectuez une diligence raisonnable au niveau du projet. Un tampon d'une norme tierce est nécessaire, mais pas suffisant.

Lorie Francheteau
Rédactrice en Chef et Manager de Contenu
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